L’évaluation des actifs immatériels stratégiques appliquée aux start-up

Evaluation des actifs immatériels pour une start-up

Pourquoi parler de capital immatériel en évaluation d’entreprise ?

Les actifs d’une entreprise correspondent à ses facteurs de production de richesse future. Il s’agit de l’ensemble des éléments qui figurent au bilan (actifs immobilisés et actifs circulant) et ceux non-inscrits au bilan : l’humain, l’organisation, les fournisseurs.

La valeur potentielle d’une entreprise résulte de la richesse créée et de celle à créer.

L’écart entre la valeur de marché d’une entreprise et sa valeur comptable correspond au « GOODWILL », c’est-à-dire aux facteurs de production qui permettront la création de richesses futures, on parle alors d’actif immatériel.

On distingue 2 types d’actifs immatériels :

  • Les actifs incorporels commercialement exploitables (la marque, les brevets, etc.)
  • Les actifs immatériels dits génératifs :
    • Les compétences ;
    • Les connaissances ;
    • Les réseaux ;
    • Le know-how ou savoir-faire ;
    • Base de données.

Ces derniers actifs n’apparaissent pas au bilan des sociétés et pourtant ils ont une valeur certaine car ils forment le socle sur lequel la jeune start-up va trouver sa croissance.

Comment tenir compte de ces actifs lorsque l’on établit l’évaluation financière d’une société et plus particulièrement dans le cas d’une start-up ?

Étudions la méthode Sharing Value développée par Jacky OUZIEL (dans son ouvrage « Valoriser le capital immatériel des entreprises innovantes », RB édition – 2020, B. Attali, J. Ouziel, G. Trigano) et permettant de mesurer la valeur des actifs immatériels

L’IAS 38 traite des immobilisations incorporelles (intangible assets) :

  • Capital client ;
  • Capital humain ;
  • Capital de connaissances ;
  • Capital de marques ;
  • Capital d’organisation ;
  • Capital fournisseurs ;
  • Capital du système d’information.

Les seuls actifs immatériels pouvant être enregistrés à l’actif du bilan sont les frais de recherche et de développement ou bien l’actif évalué au coût de revient dans le cadre du rachat d’un actif existant (marque ou brevet).

Or, nous ne disposons pas d’information financière sur la valeur potentielle de ce capital qui est le plus souvent l’unique actif détenu par ces jeunes sociétés et qui est révélateur de promesse de gains futurs importants. 

Qu’appelle-t-on actifs immatériels ?

Les facteurs que nous avons pu identifier sont les suivants :

  • La qualité du management
  • Le caractère innovant des produits
  • Les perspectives de marché à long terme
  • L’importance des efforts financiers en R&D
  • La protection de la PI

Le capital humain 

Le capital dirigeant

Les entreprises innovantes sont d’une grande réactivité et d’une extrême agilité. La qualité de l’équipe est donc essentielle. Le dirigeant a plusieurs rôles : développeur et commercial, gestionnaire, leader et manager. Ce qui valorisera les compétences d’un dirigeant, c’est la capacité à utiliser ces qualités sur un projet où il est décisionnaire, autonome et libre de prendre des risques.

C’est la raison pour laquelle il est utile d’identifier le niveau technique des dirigeants dotés d’une double compétence.

Le capital collaborateur

Ce n’est pas parce qu’une entreprise recrute des collaborateurs de haut niveau que pour autant l’équipe réussira et sera la meilleure sur le projet envisagé. Une dimension globale doit être prise en compte : l’envie de travailler ensemble, le cadre, les installations et les relations avec le client. Il faut donc essayer d’évaluer globalement le climat qui règne au sein de l’équipe.

Pour chaque dirigeant (ou associé), l’attribution d’une note de 0 à 5 permet d’établir une méthode de scoring contribuant à la définition d’un profil basé sur la forme suivante :

  • Les actifs tangibles : la formation, l’expérience, les langues étrangères, l’utilisation de tableurs, la performance du système de gestion de base de données ;
  • les actifs intangibles : la créativité, la rigueur, l’empathie, la transgression, la prise de risques.

Le capital client

Il mesure la capacité à faire croitre le business via l’acquisition de nouveaux clients ou la fidélisation de clients récurrents.

Le capital sourcing

Il s’agit de la relation avec les fournisseurs. Il repose sur 3 piliers :

  1. La qualité des livraisons 
  2. Le rapport qualité-prix
  3. La dépendance aux fournisseurs

Le capital relationnel

Il s’agit de l’ensemble des relations professionnelles et personnelles acquises et entretenues dans le temps par les différents acteurs œuvrant pour le compte de l’entreprise. Il comporte les clients, les fournisseurs, la réputation, la marque, les réseaux, les actionnaires.

C’est le capital formé par les rapports de confiance et les réseaux de communication non officiels.

Le capital organisationnel

Il représente la capacité de la direction de la société à mobiliser et supporter le processus de changement nécessaire pour exécuter une stratégie définie.

Il comporte 4 éléments :

  1. La culture : appropriation de la vision et des valeurs clés indispensables à la mise en œuvre de la politique de la société ;
  2. Le leadership : présence de managers compétents ;
  3. Le travail d’équipe : partage de la connaissance au travers de l’organisation ;
  4. L’alignement : lien entre l’atteinte des objectifs définis et les récompenses individuelles et collectives.

Le capital innovation technologique

Il intègre les éléments suivants : la R&D, les brevets, les secrets de fabrication, les logiciels, le droit d’auteur.

D’autres « capitaux » peuvent être mis en exergue et faire l’objet d’une évaluation ; l’important étant de déceler les actifs immatériels grâce auxquels la société s’appuiera pour son développement futur.

L’évaluation des différents AIS permet de mesurer le NEW GOODWILL et ainsi de relativiser la conviction du financeur ou de l’investisseur potentiel. 

D’autres critères de mesure des actifs intangibles peuvent faire l’objet d’une notation : l’équipe, l’ambiance générale, la notoriété (marque), le système organisationnel.

Il est certain que la principale difficulté réside dans la mesure objective de ces différents paramètres qui ne sont pas tous financiers et pour lesquels il convient d’apporter des éléments tangibles de valorisation. Bien souvent, il s’agira de recouper des informations données par la direction avec des articles de presse sur des blogs spécialisés ou de faire appel à un spécialiste du domaine d’activité.

En effet, concernant les start-up évoluant dans les domaines technologiques, la prise en compte de l’avantage compétitif et du facteur d’innovation est fondamental dans la valorisation de la société. L’évaluateur financier devra alors s’entourer et faire appel à des spécialistes en la matière capable de mesurer l’impact de l’innovation sur le marché économique et la concurrence.

Une fois les cette analyse réalisée, la méthode du rating, permet d’attribuer une note (de 0 à 5) afin d’évaluer le capital acquis par la société. Cette méthode permet de mettre en évidence les forces et faiblesses de l’entreprise à évaluer. Elle se substitue aux méthodes traditionnelles d’analyse stratégique que l’on ne peut utiliser dans le cadre des entreprises innovantes et des starts-up. Elle ne constitue qu’une première étape (mais la plus complexe), il faudra ensuite faire le lien entre les conclusions de l’analyse effectuée et les paramètres financiers utilisés dans les méthodes d’évaluation de la société.

Laurent COHEN
Expert-comptable associé

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