Comment calculer la valeur d’une entreprise ?

Evaluation d'entreprise

L’évaluation financière d’une entreprise n’est pas une science exacte car son calcul est lié à l’interprétation d’un certain nombre de paramètres qui ne revêtent pas la même importance selon la sensibilité de l’évaluateur. L’une des difficultés consiste à apprécier les variables de calcul tel que le taux d’actualisation dans la méthode DCF par exemple.

Ainsi, il conviendra par prudence de proposer une fourchette de valeur et non pas une moyenne arithmétique de plusieurs méthodes appliquées qui conduirait à une valeur mathématique unique.

Nous étudierons dans un premier temps les contextes de l’évaluation pour ensuite passer en revue les différentes méthodes et les difficultés d’application. Notre objectif ne sera pas de rentrer dans le détail des formules de calcul mathématiques, mais de passer en revue les différents méthodes existantes et utilisées par les praticiens.

1. Le contexte de l’évaluation

Les professionnels peuvent se situer dans l’un des 3 contextes suivants :

  • L’évaluation ayant un objectif transactionnel : c’est-à-dire ayant pour objectif de définir la valeur servant de base à une vente de société
  • L’évaluation réglementaire : imposée par l’application de normes comptables, légales (Commissariat aux apports) ou liées au fonctionnement des marchés boursiers
  • L’évaluation judiciaire ou contentieuse : qui concerne aussi bien les litiges entre personnes privées ou bien un contentieux opposant un contribuable à l’administration fiscale

Le contexte aura une influence sur le choix des méthodes retenues :

Dans le contexte transactionnel, on s’attarde sur l’analyse économique de l’entreprise et de son secteur. L’important est de déterminer si les performances de l’entreprise dans l’avenir vont s’améliorer ou se dégrader ; on utilisera alors une approche analogique (fondée sur l’examen de transactions comparables).

Dans le contexte réglementaire, l’évaluateur aura pour objectif de vérifier que la protection des lecteurs d’états financiers ou des actionnaires minoritaires est assurée. L’évaluateur va s’appuyer sur des méthodes analogiques en faisant référence à des multiples constatés sur les entreprises cotées tout en appliquant des primes et des décotes. Une partie importante portera sur les taux d’actualisation, les flux financiers étant supposés connus.

Dans le domaine contentieux, l’évaluateur assiste le juge afin de trancher lorsque deux parties sont en conflit sur la valeur à accorder à l’entreprise. L’approche de l’évaluateur sera davantage fondée sur le passé de l’entreprise plutôt que sur son avenir et sur des données comptables plutôt qu’économiques.

2. L’analyse stratégique de la firme

Toute évaluation d’entreprise doit commencer par une analyse stratégique de celle-ci, afin d’être capable de replacer l’entreprise dans un contexte économique de marché (analyse de la concurrence) ; c’est être capable d’identifier les forces et les faiblesses propres à l’entreprise.

C’est une étape nécessaire et préalable à toute tentative d’évaluation y compris pour les petites entreprises. Cette phase est trop souvent négligée par nombre d’évaluateurs alors qu’elle est principale car elle a une influence directe sur le choix des méthodes retenues et sur l’évaluation des paramètres financiers.

Différentes approches sont possibles comme le modèle développé par PORTER pour qui la rentabilité de la firme est pour l’essentiel la conséquence de facteurs extérieurs, qui sont :

  • le pouvoir de négociation des clients
  • le pouvoir de négociation des fournisseurs
  • le risque d’arrivée de nouveaux entrants
  • l’existence de produits substituables
  • la rivalité avec les concurrents actuels

Ce modèle est complété par la description des 3 positionnements stratégiques possibles pour une entreprise :

  • L’entreprise différenciée qui offre sur le marché des produits ou des services innovants
  • L’entreprise qui domine par une meilleure structure de coûts
  • L’entreprise focalisée sur un segment spécifique de marché

Cette analyse peut être complétée d’une matrice SWOT synthétisant les forces et les faiblesses de l’entreprise, les menaces et les opportunités du marché.

Une autre vision consiste à apprécier les ressources stratégiques détenues par l’entreprise. Il s’agit d’effectuer différentes analyses :

  • l’analyse des coûts et des prix
  • évaluer la position concurrentielle
  • comprendre les zones de profit du secteur
  • estimer la complexité des produits et des processus

3. Les méthodes d’évaluation

3.1 Le choix de la méthode

Les méthodes d’évaluation ne conviennent pas à tous les contextes ni à toutes les entreprises que l’on cherche à évaluer. Il appartient à l’évaluateur de faire un choix judicieux en la matière en considération des données disponibles et exploitables pour mener à bien cette évaluation.

La comparaison des résultats peut dans certains cas, mettre en évidence des écarts significatifs dans les valeurs obtenues et ainsi conduire l’évaluateur à s’interroger sur la pertinence des paramètres retenus ou la cohérence des hypothèses prises en compte dans chacune des méthodes.

En tout état de cause, l’évaluateur doit justifier les méthodes retenues de celles qu’il écarte. Il reste le seul juge des méthodes qu’il met en œuvre. Les questions à se poser peuvent être les suivantes :

  • L’entreprise à évaluer est-elle en continuité d’exploitation ? Si tel n’est pas le cas, il faudra rechercher une valeur de liquidation
  • Est-ce une entreprise essentiellement patrimoniale ? Auquel cas, la méthode de l’actif net réévalué pourra être privilégiée.
  • Y a-t-il des usages professionnels en vigueur dans le secteur ? Le critère le plus couramment utilisé est un multiple du chiffre d’affaires.
  • L’entreprise a-t-elle un système de prévisions cohérent et pertinent ? Dans ce cas, une approche reposant sur l’actualisation des flux futurs de trésorerie est envisageable.
  • Existe-t-il des transactions comparables dont les données sont suffisamment accessibles et publiques pour que des raisonnements par analogie puissent être mis en œuvre ou pour qu’une recherche soit réalisée sur le marché boursier ?

Les données disponibles, quelle que soit la méthode envisagée, sont rarement utilisables en l’état et nécessitent toujours des retraitements.

3.2 Les différentes méthodes

3.2.1 La méthode patrimoniale

Elle consiste à évaluer les actifs et passifs de l’entreprise d’un point de vue économique (valeur vénale ou valeur actuelle). On compare alors la valeur déterminée avec la valeur bilancielle (coût historique) pour en ressortir une plus-value latente (GOODWILL) ou une perte latente (BADWILL)   

Valeur de l’entreprise (Ve) =
 Actif net comptable corrigé réévalué (ANCC) + goodwill ou badwill

Cette méthode est particulièrement adaptée :

  • pour les entreprises patrimoniales (holdings, société immobilière)
  • les entreprises présentant un résultat faible
  • évaluations portant sur des biens ne constituant pas une branche autonome d’activité

3.2.2 Les méthodes analogiques

La méthode des comparables

Elle consiste à appliquer aux agrégats significatifs de l’entreprise à évaluer des multiples issus des états financiers des entreprises composant l’échantillon retenu. Il convient de déterminer un échantillon d’entreprise comparables en terme de risque, de rentabilité, de croissance, de taille, de secteur d’activité et de secteur géographique.

Si l’échantillon est constitué d’entreprises cotées, il est important que les titres soient suffisamment liquides pour que la valeur qui en découle puisse être considéré comme une valeur de marché ; si l’entreprise à évaluer n’est pas cotée, une décote est à appliquer sur la valeur obtenue afin de tenir compte de l’effet de taille.

Multiple = Valeur de l’E/agrégats

Les agrégats les plus couramment utilisés sont :

  • l’EBIT (bénéfice avant intérêts et impôts, en anglais : earnings before interest and taxes)
  • l’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement, en anglais : earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization)
  • le RN (résultat net)

La méthode des multiples

Cette méthode est utilisée essentiellement afin de déterminer la valeur d’un fonds de commerce ; on applique un coefficient multiplicateur à un agrégat économique, souvent le chiffre d’affaires, l’EBE. On l’utilise également dans la méthode de l’ANCC (Actif Net Comptable Corrigé) afin de déterminer le goodwill des actifs inscrits au bilan.

Exemple : dans le secteur des pharmacies, l’officine est évaluée 6.4 fois l’EBE ou 87% du CA HT annuel.

3.2.3 La méthode des flux de trésorerie nets actualisés

Cette méthode consiste à déterminer les flux de trésorerie futurs disponibles revenant à l’ensemble des apporteurs de fonds et à les actualiser à un taux représentant leur exigence en matière de rentabilité.

La valeur de l’entreprise est donnée par la formule suivante :

Ve = Somme FT actualisés +Vt

Cette méthode s’applique aux sociétés capables d’établir des business plan suffisamment fiables.

Généralement on retient une actualisation sur 5 ans ; la Vt étant ensuite calculée par extrapolation à l’infini du dernier flux actualisé déterminé

3 paramètres sont à évaluer :

  • les flux de trésorerie sur la durée retenue pour le BP
  • la valeur terminale correspondant à la capitalisation d’un flux normatif à l’issue de la période retenue pour le BP
  • le coût moyen pondéré du capital auquel vont être actualisés les flux de trésorerie et la Vt.

La Vt est donnée par la formule de Gordon-Shapiro :

Vt actualisée = flux futur de trésorerie normatif/(taux d’actualisation – taux de croissance à l’infini)/(1+taux d’actualisation) exposant n ; n étant la dernière année du BP

Le taux d’actualisation, qui peut se calculer avec la méthode du MEDAF, permet de tenir compte :

  • du temps qui sépare la date à laquelle les flux de trésorerie sont générés et la date à laquelle se situe l’évaluation
  • des risques pris par les investisseurs

4. Conclusion

Il existe bien sûr un grand nombre d’autres méthodes basées sur la rentabilité (rente abrégée du GOODWILL) ou sur les dividendes en cas de distribution récurrente. Ainsi, il appartient à l’évaluateur, grâce à son expérience professionnelle et en fonction de l’environnement dans lequel évolue la société, de choisir les méthodes les plus pertinentes à appliquer afin de se rapprocher de la valeur économique de l’entreprise évaluée.

Vous pouvez également contacter notre cabinet pour une expertise détaillée. Laurent COHEN, expert-comptable associé, est spécialiste en évaluation d’entreprise.

Laurent COHEN
Expert-comptable associé

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